Sous la douche

Sous la douche.

Il était sous la douche. Je l’entendais chanter. Et moi assise sur ce lit. En face de cet autre lit. Ces deux grands lits l’un en face de l’autre. Jamais retournés. Jamais bougés. Assise et non pas allongée. Pourquoi toujours assise ? J’attendais donc sûrement quelque chose. Un entre deux. Une recherche de place active. Une place définie seulement pour celui d’en face. Pourtant si prenante d’attention pour celui qui s’y installe. Assise. Oui assise. Sur ce lit. Ce lit à moitié dur. Un lit à moitié dur mais oui, cela ne nous mène à rien. A penser peut-être qu’il était bon pour ton dos. A penser que tu y serais mieux allongée plutôt qu’assise. Mais non. Tu restais là. Assise, à attendre. A écrire parfois. A lire parfois. A penser. A décortiquer l’existence. Ta propre existence. Ou celle des autres. Ca arrivait aussi. Remettre en cause l’existence des autres. C’est mauvais. Enfin, ce n’est pas bon. Cela dit c’est ni bon, ni mauvais. C’est un fait. Mais ce soir là tu étais assise, comme souvent, mais tu ne faisais rien de tout ça. Tu étais juste assise. Tu n’attendais rien. Tu étais juste là, à l’entendre chanter. A l’entendre chanter sous la douche. Tu l’entendais de derrière le mur. Tu étais là juste à écouter. Mais lui? De l’autre côté du mur, de la porte, du rideau de douche ? Pensais t-il au fait que tu étais assise là à l’écouter chanter ? Parce que même si tu ne pensais pas au fait de l’écouter chanter, tu le faisais. Si on prend en compte qu’écouter n’est pas penser, si je ne pense pas sur le fait que je pense à écouter, alors je me demande quand même quels étaient ces mots qu’il fredonnait de l’autre côté du rideau. Lui et moi. 
Ces mots. J’aurai tant aimer pouvoir les comprendre. Cela m’aurait permis de comprendre ce qu’il se passait dans sa tête parfois. Ces mots qu’il avait tant de mal à exprimer lorsqu’il n’était pas de l’autre côté. Des mots qui m’étaient familiers. Parce que moi aussi je les pensais. Enfin les mots de ce qu’il chantait je ne savais pas lesquels ils étaient mais je les devinais, parfois. Quand je n’étais pas assise là. Lorsqu’on marchait sur le même côté. Je les imaginais. Ils sautaient, ces mots, comme des sauterelles, sur le bas côté de mon paysage falsifié. J’imaginais ses mots qui rencontraient les miens et qui auraient dansaient ensemble, du même côté, tout en restant éloignés. Je savais qu’il ne pensais pas avec des mots. Encore moins avec les miens. Et encore moins avec des mots qui auraient danser d’un côté éloigné. Ca n’avait aucun sens. Mais moi j’y croyais. Et c’était là que tout changeait.

Je croyais à des mots qui flottaient, qui nageaient, qui volaient, qui dansaient, qui frétillaient, qui riaient, qui pleuraient, qui scintillaient. Et je le regardais, lui, qui ne pensait pas à ces mots là. Il parlait autre chose. Il pensait autre chose. Il faisait autre chose de ce monde sans paroles. De ce monde sans mot, sans dialogue. Il vivait autre chose. Il marchait sûrement sans penser. Il sautait sûrement sans parler. Sans crier. Sans murmurer. Mais il était. Il était là. A côté. Si près. Je peux vous l’assurer.

 Juin Septembre

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